Marathon de Londres 2013

Comment dire ?  c’est comme dans un rêve… mais en anglais … et  avec les douleurs aux cuisses en plus  …

             Une  semaine tout juste après l’attentat  de Boston, la famille du marathon  touchée en plein coeur, se retrouvait réunie à Londres superbe Capitale mélange parfait de traditionalisme et de modernisme… sous un soleil radieux …

 Si , Si !  ça arrive  aussi ici ! 

Comme un besoin de  communier, de  défendre certaines valeurs… sans doute bien au delà du simple monde du marathon … vivre ses rêves, aller vers des  moments  de partage, de convivialité, de solidarité, de dépassement et de volonté … pour mieux se rassurer sur soi-même…  le marathon est un peu un mélange de tout ça, et c’est ce qui le rend  si populaire …

 Un couple d’américains croisé au village marathon  arborant fièrement un survêtement jaune et bleu ‘Boston Marathon 1996′,  qui semble vouloir afficher fièrement  « Justement ! nous sommes là,  plus présents que jamais, pour défendre une certaine idée de liberté ».

Un ruban noir sur la poitrine… 30 secondes d’un silence pesant partagé par plus de 35 000 coureurs … l’émotion qui monte, qui monte, et qui ajoute encore au stress habituel   d’avant départ  … une vraie émotion traverse le peloton …

Bien sûr, devant,  déjà bien en place sur la ligne de départ, il y aura la course stratosphérique de l’élite, celle de la chasse effrénée au record, (on parle depuis peu des moins de 2 heures pour un marathon! ) avec  les 3 meilleurs performers de tous les temps sur la distance, une escadrille de champions Olympiques, parmi lesquels Mo Farah star britannique du demi-fond, lièvre de luxe chargé de mener l’allure pour toute une meute de kényans et d’éthiopiens jusqu’au semi, empochant au passage un juteux pactole

L’élite des Femmes, quant à elle sera déjà partie depuis une trentaine de minutes.

Un protocole bien huilé, une organisation sans faille… De nombreux policiers, et volontaires sont là pour surveiller, encadrer, rassurer… rien à dire: les Anglais savent vraiment y faire …

Dossard 55911… Sas numéro 3, à priori réservé aux  objectifs 3h30.  ‘Blue Start Area’. Deux heures passées sur les pelouses de GreenWich Park, qui auront filé  à une allure folle,  tellement l’ambiance y est positive, avec tous ces marathoniens qui affluent de plus en plus vers la zone de départ,   mélange de nationalités, de  costumes, d’instantanés de vie improvisés. Mon anglais  plusqu’imparfait me permet tout de même d’échanger avec un  coureur britannique inquiet à l’idée de réaliser son premier marathon. Il  me raconte son hiver rigoureux à 200 kms au Nord de Londres, qui n’a pas facilité  sa préparation … je lui parle  de la côte varoise… puis on se sépare sur un « Good Luck! ».

Le temps assez frais est idéal pour courir et le soleil inhabituel à Londres est un véritable cadeau pour le demi million de spectateurs massé tout au long du parcours…

Il est 10h00…  je lève les yeux en passant sous la ligne de départ : ‘We Hope to see you  at the Finish Line’…  Ok les gars, on se retrouve à l’Arrivée  …Allez, C’est parti pour 26 Miles !

 Ma course,  elle est assez facile à résumer… un premier semi idéal, un second qui le sera  beaucoup moins… mais au bout le plaisir simple d’être Finisher !!!

Arrivé sans réel  foncier, suite à une préparation amputée, je réalise  une  première partie de course conforme à mes prévisions:  moins de 51′ aux 10 kms , moins de 1h50 au semi. Là,  je savoure vraiment chaque foulée, ouvre grands mes yeux comme un enfant devant un sapin de Noël, et me régale à aller chercher les mains tendues au travers des barrières … les petits tiennent dans les mains des bonbons comme autant d’encouragements… 

Une boucle d’une dizaine de kms autour de la zone résidentielle de Greenwich Park, avant de rejoindre les bords de la Tamise à hauteur du célèbre Navire « Cutty Sark ».

Les applaudissements sont continus, par moments des clameurs s’élèvent  des tribunes soigneusement aménagées le long du parcours transformant le parcours en véritable tour d’honneur  d’un stade en ébullition … les londoniens vivent leur marathon avec enthousiasme, mais bien au delà, ce sont toutes les personnes venues des 4 coins du monde qui  supportent avec ferveur leurs proches  et participent à cette ambiance…les spectateurs sont venus en masse participer à cette fête comme à une kermesse, et ils  le font savoir …

Les  déguisements les plus excentriques se multiplient, superhéros, animaux,  objets divers,  quelques coureurs en strings  remportent même un  franc succès … Londres c’est aussi un immense « Charity fundraising Event »… beaucoup de  coureurs engagés ici  pour défendre une cause caritative, notamment la lutte contre le Cancer.  Londres est en cela la course qui collecte de loin le plus de fonds au monde pour des associations …

Je profite vraiment au maximum de cette première période euphorique, très ouvert au monde  qui m’entoure, sachant qu’au fur et à mesure, mes muscles vont se durcir,  mon rythme inévitablement se réduire … le marathon n’est pas une science exacte, mais il est impitoyable et renvoie chaque coureur à ses propres limites du moment, sans détour … tu n’es pas bien préparé, tu n’es pas dans un bon jour,  et bien tu morfles … c’est la règle acceptée de tous, du champion aux  anonymes. Le final de la course élite en sera d’ailleurs un parfait exemple, les leaders successifs enchaînant les coups de mou sur la fin, comme le recordman du monde Mutaï, déposé comme une fleur dans les tous derniers  kilomètres du parcours¨, et chose rassurante comme aurait pu le dire Maître Yoda : “de record sur cette course, cette année il n’ y aura pas !”

Après une mise au repos forcée de près de mois, où j’ai bien cru ne pas pouvoir participer à cette course, être là est déjà une énorme satisfaction… franchir la ligne d’arrivée, sous la barre symbolique des 4h00 et sans bobo serait un bel aboutissement.

La traversée de Tower Bridge peu avant le passage au  semi… l’ambiance est monstrueuse, inoubliable ! vraiment ! Des groupes de cornemuse, d’autres un peu plus Jazzy…   On enjambe la Tamise, pour effectuer une boucle d’une bonne dizaine de kilomètres  vers l’Est en traversant la City, avant de repasser une seconde fois au pied de  « Tower Of London ».  C’est l’endroit idéal  pour les supporters qui à  cet endroit peuvent voir passer deux fois les concurrents.Véro ne me verra passer qu’une seule fois, tellement la foule y est dense.

Alors à partir du 25ème kilomètre  débute pour moi une seconde course … où les réserves en sucre se font de plus en plus rares au niveau des muscles.  Pourtant ce n’est pas faute de m’être gavé de rations de pâtes et de riz durant les 3 jours précédents jusqu’à l’indigestion presque, pas plus que d’avoir zappé  le moindre ravitaillement en eau et gels… mais bon au bout d’un moment, que l’on redoute et qui arrive quasi systématiquement en fin de course chez la majorité des coureurs, les réserves sont à plat et  une autre filière énergétique sans  glycogène beaucoup moins efficace  se met  alors en place… accepter de voir son rythme baisser, parce que de toute façon il n’y a pas d’autre solution, être à la limite des crampes  et essayer de les maîtriser …

Ralentir prendre un second souffle,  puis les suivants, se  ménager pour arriver au bout … dans ces moments-là, les encouragements t’aident à dépasser la fatigue, mais il faut reconnaître que l’on se renferme pas mal sur sa propre souffrance … le monde extérieur semble déjà moins beau … pourtant… tous ces gens qui t’encouragent,  presque à t’engueuler … si jamais il te venait l’idée de ne pas repartir après un ravito …  « Come On ! », « Let’s Go ! », « You will do it ! »,  tout juste la lucidité de taper quelques mains tendues, de se rappeler pourquoi on est là… il est près  de 13h30, les degrés montent, la surchauffe n’est pas  si loin … je passe  sous une ‘douche brumisateur’ improbable, dont l’effet est sans doute plus psychologique qu’autre chose…

Les bords de la Tamise, la foule, garder dans un coin de la tête l’objectif symbolique  des 4h00 pour ne rien lâcher, la marge accumulée  se réduisant  à vitesse grand V au fil des kilomètres … là,  plus de notion de rythme, de style, on fait avec les moyens du moment, au  mental… La Cathédrale St Paul, puis Trafalgar Square vers le 38ème Kilomètre … Big Ben … 3h45 au 40ème kilomètre …  Allez !  encore 15 mn pour arriver … ça devrait le faire quand même! L’Abbaye de Westminster, The Houses of Parliament… nous passons devant Buckingham … pas de Reine en vue … et dire que c’est  à la famille Royale que l’on doit  l’allongement de la  distance officielle  du marathon  à   26 Miles 385 yards (42kms et 195m)… et ces quelques hectomètres en plus,  et ben aujourd’hui je les sens vraiment … « 800 m to go »,  un dernier virage sur la droite  en remontant le Mall pour une arrivée dans St James Park …. « 385 yards to go », et enfin   la banderole rouge … 3h59mn26s …

Je passe la ligne d’arrivée, éprouvé… comme une délivrance, une haie d’honneur nous  accompagne  dans un flot continu  d’applaudissements… je savoure ces  instants  … le plaisir simple d’être « Like a French (Marathon) Man in London… ». 

 Le soleil londonien est si doux en ce début d’après-midi … Ce soir ce sera version “Half a  pint of beer, Please !!!”.